Eglise protestante hongroise
Un petit coin de Hongrie
Par Constance Ledoux
La petite communauté hongroise agit et assure un culte par mois, en langue magyare, et dans la plus pure tradition calviniste.
La Hongrie : Europe de l’Est ? Ancien pays communiste ? Certes, mais c’est aussi, au moins le premier dimanche de chaque mois, un rassemblement au temple de la rue Roquépine, dans le 8e arrondissement de Paris. Le temps d’un culte et d’un goûter, d’un baptême ou d’un enterrement. La petite communauté de l’Eglise protestante hongroise en France, malgré la vacance du poste pastoral, n’a cessé de se réunir régulièrement pour des cultes en hongrois. Cela, tous y tiennent particulièrement. Qu’ils soient de la première ou de la deuxième génération d’émigrants, l’Eglise protestante hongroise est pour eux un lieu particulier où se vit et se transmet la culture hongroise. Piroska parle le hongrois couramment, c’est sa langue maternelle. Sa fille, Catherine, ne comprend que quelques prières, mais pour elle la Hongrie fait partie de ses origines, de sa vie et de sa culture. Pas question de l’oublier. « Je suis engagée dans l’Eglise hongroise en France, mais j’ai aussi besoin d’aller à des cultes ERF pour pouvoir m’y retrouver. Je ne maîtrise pas assez bien le hongrois pour tout comprendre, mais l’atmosphère fait que je m’y sens bien. » Bien souvent, le culte mensuel est la seule occasion pour les jeunes d’entendre parler hongrois, mais le thé (ou le goûter typique qui le prolonge) ramène, l’espace d’un instant, ces jeunes au contact de la vie de leurs parents ou grand-parents. Piroska fait partie de l’Eglise hongroise depuis longtemps déjà. Elle y a fait sa confirmation en 1941, accompagnée par le pasteur Imre Kulifay. Même s’il n’est pas le fondateur de la communauté, le nom du pasteur Kulifay est sur toutes les lèvres. Il était « le » pasteur de l’Eglise protestante hongroise.
A la fin de la Première Guerre mondiale, de nouvelles frontières sont imposée au pays et au peuple hongrois. L’émigration de masse qu’entraîne cette situation, et l’aide des réformés français, poussent deux étudiants hongrois de la faculté de théologie protestante de Paris, à fonder, en 1926, la Mission réformée hongroise de France. L’Etat hongrois subventionne la mission, ce qui lui permet alors de financer les trois postes pastoraux nécessaires.
Pour les émigrants hongrois, l’Eglise est essentielle : les enfants nés en France apprennent la langue, les adultes se retrouvent pour partager leurs craintes et leurs espoirs. En 1934, le pasteur Kulifay est envoyé en France par l’Eglise réformée de Hongrie. Mais en 1946, date de l’instauration du régime communiste en Hongrie, Imre Kulifay décide de couper tout lien officiel avec son pays. Plus question de subventions, ni même de relations. La Mission protestante hongroise de France devient l’Eglise réformée hongroise, puis plus tard, l’Eglise protestante hongroise. Elle est autocéphale et régie par la loi de 1905 sur les associations cultuelles. Jusqu’en 1964, c’est le Conseil mondial des Eglises qui prend en main, au moins financièrement, la vie de cette petite communauté hongroise de France. Les cultes peuvent avoir lieu, avec la grande cape noire traditionnelle dont sont revêtus les pasteurs, et l’hymne national hongrois chanté à chaque fin de culte : Dieu protège la Hongrie.
En 1966, la situation devient dramatique, impossible de payer le pasteur, ni même de lui proposer un logement. Pourtant, le pasteur Kulifay ne s’avoue pas vaincu, il choisit d’orienter son ministère sur une autre voie et devient chauffeur de taxi. Grâce à lui, la communauté est sauvée, son pasteur conduit les taxis, mais c’est pour lui un lieu d’évangélisation comme un autre. Aujourd’hui, la communauté protestante hongroise tente de survivre. Avec 50 cotisants et 200 familles inscrites, c’est difficile de persister et surtout de payer un pasteur. Depuis quatre années, le conseil presbytéral organise seul la vie de l’Eglise. « Nous avons besoin de pasteurs pour nos cultes mensuels, mais surtout pour les enterrements ou les baptêmes. Tout a été organisé pour que des pasteurs viennent bénévolement depuis l’étranger présider les cultes, mais cela pose un réel problème pour les actes pastoraux. Comment faire si on se retrouve face à une famille qui ne parle pas du tout français ? » raconte Anne-Marie Heddad, vice-présidente du conseil presbytéral. L’Eglise réformée de Hongrie ne peut se résoudre à confier ces cultes particuliers à des prédicateurs laïcs. « Nous avons une tradition très forte et très calviniste en Hongrie. Beaucoup de nos théologiens sont issus de Transylvanie, région officiellement roumaine, mais peuplée essentiellement de hongrois ! Nous sommes un peu plus rigides que l’Eglise réformée de France, mais c’est notre façon de faire ! » Depuis la chute du système communiste, de plus en plus de Hongrois viennent travailler en France ou y poursuivre des études. L’Eglise protestante hongroise est là pour eux, pour leur permettre de tisser un lien entre la France, pays d’accueil provisoire, et leur Hongrie natale. « Ces gens n’osaient pas aller à l’église en Hongrie sous le régime communiste. Aujourd’hui, ils participent au culte en France, c’est important pour nous et pour eux », confie Anne-Marie Heddad, même si elle, jusqu’à son départ pour la France en 1969, a toujours fréquenté l’Eglise en Hongrie.
Depuis plusieurs années, le nombre de familles membres de la communauté reste stable. Les racines que chacun vient chercher en la fréquentant ne s’attachent pas uniquement à la confession. Depuis toujours, les protestants hongrois en France collaborent avec les catholiques hongrois. La Mission catholique hongroise de France et l’Eglise protestante hongroise se retrouvent régulièrement et partagent les moments de fêtes. « Nous passons la journée ensemble pour les grandes fêtes nationales. On se connaît bien. Pour eux aussi, c’est plus profond d’assister à une messe ou un culte en hongrois, quand on ne comprend pas bien le français », témoigne Anne-Marie Heddad.
La petite communauté hongroise survivra, grâce à l’attachement de ses membres pour leur pays d’origine. Mais pas sans difficultés. En attendant, tous veulent conserver ce qu’a bâti le pasteur Kulifay : « une communauté ouverte, qui accueille tout le monde et qui offre un peu de réconfort aux gens de passage ou à ceux qui oublient peu à peu leurs racines hongroises »
Calvinisme et luthéranisme
Le calvinisme se distingue du luthéranisme dans le
domaine de la théologie, des sacrements, de l'ecclésiologie et de l'éthique. En
matière de christologie, Luther admettait une certaine communication des
propriétés de la nature divine du Christ à sa nature humaine, ce qui l'amenait
à reconnaître une présence réelle du corps du Christ lors de la célébration de
la cène (consubstantiation), provenant du fait que ce corps était mis au
bénéfice de la propriété divine de l'ubiquité. Calvin et les calvinistes
refusèrent cette ubiquité: à leurs yeux, la nature humaine du Christ, à la
suite de l'Ascension, siégeait à la droite de Dieu et ne pouvait comme telle
être présente dans le sacrement, ce qui ne les empêchait pas de confesser une
présence réelle du Christ dans la sainte cène, mais spirituelle et non
matérielle.
Parmi les autres
points de divergence, il faut mentionner la doctrine de la prédestination, les
luthériens récusant la double prédestination calvinienne, et celle des deux
règnes, les calvinistes n'admettant pas qu'il puisse y avoir autonomie du règne
temporel et prenant volontiers position dans le domaine politique, notamment en
justifiant le droit de Résistance au tyran. En matière d'organisation
ecclésiastique, le calvinisme se distingua aussi du luthéranisme.
Alors que ce dernier
était, à l'origine, une confession liée à des états monarchiques et se trouvait
ainsi directement soumis au pouvoir civil, le calvinisme fut plus libre: ses
fidèles souvent dispersés (France, futurs Etats-Unis) ou vivant dans des pays à
structure républicaine (Suisse, Provinces-Unies), il développa l'idée d'une
juridiction ecclésiastique relativement autonome par rapport à la juridiction
civile. Elle reposait sur le système presbytéro-synodal, structure
représentative où laïcs et pasteurs partageaient les mêmes pouvoirs, composée
au niveau local de Consistoires et au niveau régional ou national de Synodes .
Enfin, le calvinisme était soucieux de faire respecter la discipline
ecclésiastique; les consistoires veillèrent sur les croyances et les moeurs.
L'extension du calvinisme
Genève et Zurich
Dès 1549, un axe théologique entre Genève et
Zurich se constitua à partir du Consensus tigurinus par lequel Calvin et
Bullinger (le successeur de Zwingli)
exprimaient leur accord sur la sainte cène. Les bases théologiques du
calvinisme étaient posées et Bullinger lui donna en 1566 sa principale
expression symbolique avec la Confession helvétique postérieure ( Confessions
helvétiques ). Le successeur de Calvin, Théodore de Bèze,
joua un rôle central dans la constitution de l'Europe calviniste qui se
développa dans la seconde moitié du XVI e s. Le calvinisme s'étendit en
France, où il fut la religion des huguenots auxquels Henri IV accorda une
existence légale avec l'édit de Nantes
(1598); sa révocation en 1685 par Louis XIV
provoqua le refuge de dizaines de milliers de calvinistes en Suisse et dans le
reste de l'Europe protestante ( Réfugiés protestants ).
Allemagne
Le calvinisme se répandit en Allemagne, prit racine
dans le Palatinat où fut rédigé le fameux catéchisme de Heidelberg en 1563, et
d'où il s'étendit dans les principautés ou villes de Nassau, Brême, Lippe,
Hesse-Cassel, Brandebourg et où il finit par être reconnu officiellement par
les traités de Westphalie en 1648.
Ecosse et Angleterre
Il fut introduit en Ecosse sous l'impulsion du disciple
de Calvin, John Knox, en Angleterre où il se développa dans le mouvement
puritain, courant auquel on peut rattacher Oliver Cromwell, en Amérique du
Nord, où débarquèrent en 1620 les Pilgrim's Fathers, porteurs d'une conception
presbytérienne de l'Eglise. Le calvinisme
s'étendit jusqu'en Hongrie et en Transylvanie.
Les Pays-Bas
Mais c'est aux Pays-Bas qu'il connut le développement
le plus vigoureux et qu'eut lieu son principal conflit doctrinal, autour du
problème de la double prédestination. Tranché par le synode de Dordrecht en
1618-1619, l'affrontement déboucha sur l'établissement des normes de l'
Orthodoxie protestante pour un siècle (nature humaine totalement corrompue, élection
divine inconditionnelle, mort du Christ destinée aux seuls élus, grâce
irrésistible, persévérance des élus jusqu'au salut final). C'est pour défendre
cette orthodoxie prétendument menacée par l'école théologique de Saumur, un peu
plus ouverte en matière de doctrine de la grâce et de critique biblique, que
les Eglises suisses imposèrent à leurs pasteurs la signature de la Formula
Consensus (1675).
Le calvinisme n'en
subit pas moins une évolution dès le début du XVIII e s., principalement sous l'impulsion
de trois pasteurs et professeurs, le Genevois Jean-Alphonse Turrettini, le
Neuchâtelois Jean-Frédéric Ostervald et le Bâlois Samuel Werenfels, plus
proches des
Lumières que de la théologie de Calvin ou Bullinger. Dès lors, les
confessions de foi perdirent de leur caractère normatif, subissant les assauts
de la critique historique et des sciences expérimentales.
Au XIXe siècle
Au XIX e s., le calvinisme fut
traversé par des courants contradictoires: le Réveil, d'une part, qui
prétendait restaurer les formulations théologiques du XVIe s. dans un
cadre marqué par le piétisme et le méthodisme; le libéralisme d'autre part qui,
développant la critique rationnelle de la théologie, devait dissoudre le
calvinisme dans les théologies protestantes de la conscience, de la culture, du
sentiment, etc.
En 1875, les
calvinistes du monde entier se fédérèrent dans une Alliance presbytérienne
mondiale (Alliance réformée mondiale depuis 1921), dont le siège est à Genève
et qui réunit plus de 75 millions de chrétiens en 2003, dont 2,6 millions de
protestants suisses. Le calvinisme joua un rôle primordial dans le
développement de l'Oecuménisme .
C'est un pasteur
calviniste hollandais, Willem Visser't Hooft, qui fut le premier secrétaire
général du Conseil oecuménique des Eglises installé à Genève en 1948. Le plus
important des théologiens d'origine calviniste au XX e s. est le Bâlois Karl Barth.
Si sa pensée dépasse largement les frontières du calvinisme, elle ne se réclame
pas moins de la pensée de Calvin et des autres théologiens qui ont contribué à
façonner ce courant au XVI e s.
Au XXe siècle
Au début du XX e s., le calvinisme se
manifesta dans le Monument de la Réformation de Genève, construit entre 1909 et
1919. Ce monument marque l'expansion mondiale du calvinisme et veut exprimer
ses aspirations, soit l'héritage de Calvin. Préconisant le développement de
l'instruction publique, exigeant la responsabilité personnelle dans l'éthique
privée et une rigoureuse moralité dans les affaires publiques, dénonçant la
tyrannie religieuse et politique, revendiquant le libre examen dès le XVIII
e s. et
au siècle suivant, sous l'impulsion d'Alexandre Vinet, la liberté des
convictions religieuses, défendant en politique le système représentatif
démocratique, demandant l'abolition de l'esclavage et une certaine justice
sociale, le calvinisme a contribué à la constitution d'une certaine vision des
droits de l'homme.
Enfin, légitimant le prêt à intérêt moyennant certaines garanties, il a
favorisé de ce fait le développement d'un réseau de banques protestantes dès le
XVII e s.
(nommé l'Internationale huguenote par Herbert Lüthy). Dans une thèse, souvent
réduite à tort à une causalité directe entre Réforme et capitalisme, Max Weber a pensé
voir en lui le facteur qui a permis le développement de l'économie dans un sens
libéral et capitaliste.
http://www.unpoissondansle.net/rr/0401/index.php?i=3
(revue réformé)
Parmi les géants ayant apporté une
contribution majeure à l’apparition et aux caractéristiques de l’époque moderne
en Europe se trouve aussi, sans aucun doute, le Français Jean Calvin, grâce,
surtout, à son œuvre monumentale, l’Institution de la religion chrétienne.
Cet ouvrage capital d’instruction religieuse et, plus généralement, de culture,
qui a été publié à Bâle en 1536, en latin (Institutio Christianae
Religionis), est publié pour la première fois en langue roumaine.
Cet acte est d’une grande importance et
d’une signification profonde. Jean Calvin a influencé, avec puissance et de
façon décisive, la pensée européenne et la vie religieuse de centaines de
millions d’hommes au cours des cinq derniers siècles. Il a eu également un
grand impact sur l’histoire du peuple roumain. Aussi est-il grand temps, pour
nous, de connaître la pensée et l’écrit de cet homme, qui ont produit un si
grand effet sur l’histoire de l’humanité.
Le XVIe siècle a donné bon
nombre de personnalités marquantes: Machiavel et Thomas More, Erasme et
Rabelais, Michel-Ange et Copernic, Montaigne et Shakespeare. Calvin a été leur
contemporain. Il a eu la même stature et une influence similaire – supérieures
même, estiment certains – sur la civilisation européenne et mondiale.
Parmi tous les réformateurs, Calvin a
été l’écrivain le plus prolifique et, de ce fait, a eu l’impact le plus profond
et le plus étendu sur la culture européenne et mondiale. Son œuvre la plus
éminente, Institutio Christianae Religionis, est l’un des livres majeurs
de la culture universelle. C’est un grand honneur pour nous de l’offrir au
lecteur roumain, sous le titre de Învatatura religiei crestine.
A la différence des autres
réformateurs, qui étaient de langue allemande – d’Allemagne ou de Suisse –,
Jean Calvin était Français et, même, un intellectuel représentatif de son
époque, qui a eu une grande influence sur le développement de la langue et de
la culture françaises, bien qu’il ait vécu de nombreuses années à Genève, en
Suisse, en tant qu’exilé. L’intérêt des Roumains à l’égard de Calvin devrait
également grandir en raison de son appartenance à la latinité.
Il faut dire dès le début que la
religion réformée, la religion formulée par Calvin dans ce livre, s’est
rapidement et massivement répandue en Transylvanie. Sous son impulsion ont paru
les premiers ouvrages imprimés en langue roumaine, y compris le Nouveau
Testament traduit par Simion Stefan et imprimé à Alba Iulia en 1648. La
majorité des Roumains de Transylvanie se sont mis à célébrer le culte en langue
roumaine. En réaction, l’Eglise orthodoxe de Moldavie a publié les importants
écrits de Dosoftei, Varlaam et Movila, et même, en 1688, à Bucarest, la
première traduction de la Bible en langue roumaine.
A partir de 1520, les marchands
roumains d’origine allemande qui revenaient de la foire de Leipzig ont apporté,
à Sibiu, les livres de Luther. Il en est résulté qu’en 1529 cette ville était
entièrement luthérienne, et qu’en 1535 tous les Allemands de Transylvanie sont
devenus luthériens. En 1544, ils ont adopté la Confession de foi d’Augsbourg.
Les Hongrois de Transylvanie ont peu après suivi les Allemands. En 1557, les
Roumains d’origine allemande et hongroise étaient unis en une seule Eglise
luthérienne sous la direction d’un superintendant général (évêque), mais
partagée en deux sections, l’une de langue allemande et l’autre de langue
hongroise. L’évêque catholique de Transylvanie a quitté la province dès 1556 et
son successeur n’est arrivé qu’un siècle et demi plus tard, lors de la conquête
de la Transylvanie par l’Autriche catholique romaine.
La propagation du luthéranisme parmi
les Roumains de Transylvanie a commencé très vite. C’est ainsi qu’en 1544, la
ville de Sibiu a engagé un certain Filip Moldoveanu pour traduire, en langue
roumaine, le catéchisme luthérien. On ignore si cette traduction a été faite à
partir de l’allemand ou du hongrois. Quoi qu’il en soit, il s’agit là du
premier livre imprimé en langue roumaine, ce qui n’est pas sans importance
historique. Il ne reste plus aucun exemplaire de ce livre. C’est encore à Sibiu
que fut imprimée, en 1552, la première traduction en langue roumaine des quatre
évangiles.
Peu de temps après la conversion des
Hongrois au luthéranisme, le calvinisme a commencé aussi à se répandre parmi
eux. La ville de Debrecen devint le centre du calvinisme et a été surnommée «la
petite Genève». La ville de Cluj est devenue le deuxième foyer du calvinisme.
Le centre de diffusion de la Réforme
pour les Roumains s’est établi à Brasov, où l’imprimeur roumain Coresi commença
son activité. Il imprima une nouvelle traduction des quatre évangiles en 1560,
puis le livre des Actes des apôtres en 1563 et, sur une période de vingt ans,
une vingtaine d’autres livres religieux. L’œuvre de Coresi a été couronnée par
l’impression, en 1682, de la célèbre Palia de la Orastie, qui est la
première traduction en langue roumaine d’une partie de l’Ancien Testament, à
savoir les quatre premiers livres de Moïse. En 1570, il avait fait imprimer les
Psaumes en langue roumaine.
Il est important de signaler l’accession
au trône de Moldavie, en 1561, d’un prince réformé, Despot Voda (Héraclide),
qui revendiquait son appartenance à des familles royales grecques, serbes et
roumaines. Ce prince avait fait ses études dans plusieurs universités
prestigieuses d’Europe. Il a tout de suite pris l’initiative d’ouvrir une
université à Cotnari, sur le modèle européen. Alors qu’il était en train
d’essayer de faire venir quelques professeurs de renom d’Allemagne, il a été
assassiné en 1563. Mais l’université de Cotnari a continué d’exister jusqu’en
1588, date à laquelle les jésuites ont pris le relais.
Entre 1600 et 1650, le calvinisme a
connu une très grande expansion parmi les Roumains de Transylvanie. Selon
certains renseignements, des régions auraient été presque totalement
«calvinisées». Il y avait des évêques calvinistes, ou réformés, des pasteurs
réformés roumains, des livres de cantiques en langue roumaine et des
intellectuels réformés roumains.
Le résultat le plus important de cette
expansion du calvinisme en Transylvanie a été le passage à la célébration du
culte en langue roumaine, non seulement dans les Eglises réformées roumaines,
mais aussi dans les Eglises orthodoxes.
Un des points culminants de ce
mouvement de renouveau a été, en 1648, la publication à Alba Iulia du Nouveau
Testament complet en langue roumaine, traduit par l’évêque roumain Simion
Stefan, qui était fortement attaché à la Réforme. Cette date est très
significative pour la culture roumaine.
L’apparition de la Réforme en
Transylvanie fit sortir de son apathie l’Eglise d’au-delà des Carpates. Pour
contrecarrer la Réforme, l’orthodoxie a dû se définir elle-même et rendre
publique une présentation systématique de la foi orthodoxe. Cela a été fait
premièrement par le métropolite de Kiev, Movila, un Roumain de la famille des
Movilesti, famille qui avait donné plusieurs princes régnants sur le trône de
Moldavie. En 1642 eut lieu à Iasi un synode qui comptait parmi ses participants
des théologiens de Grèce et d’Ukraine. L’objet de ce synode était la «confession
de foi orthodoxe», rédigée par Movila, laquelle a été approuvée par le synode.
Cet exposé approfondi de la foi orthodoxe a été ensuite approuvé par le synode
de Constantinople de 1643; il est resté jusqu’à aujourd’hui la formulation
officielle de la foi orthodoxe.
En 1640, un nouveau catéchisme réformé
a été imprimé en Transylvanie, à savoir celui qui était paru, initialement, à
Heidelberg, en Allemagne, en 1563. Ce catéchisme a connu une grande diffusion.
Le métropolite Varlaam de Moldavi, lors d’une visite à Bucarest, en 1644,
trouva une copie de ce catéchisme en langue roumaine dans la maison d’Udriste
Nasturel, secrétaire et homme de confiance de Matei Basarab. Indigné à la
lecture de ce catéchisme, Varlaam écrivit La réponse au catéchisme
calviniste, avant de convoquer, en 1645, un synode de l’Eglise orthodoxe de
Moldavie et de Valachie, à Iasi, synode qui approuva La réponse de
Varlaam. C’est ainsi qu’à côté du Catéchisme orthodoxe de Movila, adopté
par le synode de 1642, La réponse devint la deuxième formulation
officielle de la foi orthodoxe, considérée aussi comme une réaction à
l’avancement de la Réformation en Transylvanie.
En 1691, la Hongrie et la Transylvanie
ont été conquises par l’Autriche. L’Autriche catholique romaine ne se
réjouissait pas des grands progrès de la Réformation en Transylvanie. Les
Autrichiens ont offert d’importants privilèges aux Roumains opprimés et privés
de droits en Transylvanie. C’est ainsi qu’en 1700, une bonne partie des
Roumains ont accepté de s’unir à Rome et sont devenus «gréco-catholiques». Les
catholiques romains autrichiens ont immédiatement commencé une sévère campagne
destinée à arrêter et à éteindre la Réforme parmi les Roumains de Transylvanie.
On sait peu de chose sur les méthodes utilisées par les jésuites pour y
parvenir mais, quelques décennies après la conquête autrichienne, on ne compte
plus de réformés parmi les Roumains de ce territoire.
La Réforme répandue parmi les Roumains
de Transylvanie a déterminé, au cours du XVIIe siècle, tous les
Roumains de cette province à passer à la célébration du culte en langue
roumaine. Lors des négociations avec les catholiques romains en vue de l’union
avec Rome, il a été demandé avec insistance que le culte soit gardé, dans les églises,
en sa forme déjà existante, ce qui signifie, entre autres, le maintien
de la langue roumaine. Si les choses s’étaient passées différemment, le traité
d’union avec Rome aurait entraîné soit la célébration du culte en langue
latine, soit le maintien de la langue slavone!
La célébration du culte en langue
roumaine était donc déjà un fait accompli et cela était dû au mouvement
réformé. Les Roumains qui se trouvaient de l’autre côté des montagnes ont été
beaucoup plus lents à passer à la célébration du culte en langue roumaine.
Signalons que c’est également en langue roumaine, sous l’impulsion de la
Réformation – qui souhaitait donner au peuple la Bible dans sa propre langue –,
qu’est parue à Bucarest, en 1688, la première traduction, en langue roumaine, de
la Bible entière.
L’impact de la Réforme sur les Roumains est un sujet
controversé. Beaucoup d’historiens roumains admettent difficilement qu’un
mouvement étranger, venu de l’Occident, ait pu avoir une certaine influence, et
même une influence majeure sur nous. Les données concernant l’impressionnante
propagation de la Réforme en Transylvanie ont, pour la plupart, été supprimées.
Elles ont été et sont encore aujourd’hui niées avec véhémence. C’est seulement
à partir de 1990 que des historiens plus jeunes, formés dans le climat européen
actuel, ont osé dévoiler qu’il existe d’autres données et parler du
développement de la langue roumaine grâce à l’impression de la littérature
calviniste en Transylvanie et à son introduction dans les Eglises roumaines
sous l’impulsion de la Réformation.
Pour
offrir au lecteur roumain un tableau complet de l’importance de la Réforme pour
la nation roumaine, nous nous permettons de citer in extenso les
conclusions de l’historien hongrois Imre Revesz qui, à la fin de son étude La
Réforme et les Roumains de Transylvanie, écrit:
«Au travers des vingt-cinq ouvrages
d’inspiration protestante mais de langue roumaine édités en Transylvanie sur
une période de cent cinquante ans, la Réforme se trouve à la base de la
littérature roumaine imprimée. Elle a encouragé le perfectionnement de la
langue roumaine populaire. Elle a préparé le chemin au réveil du sentiment
national. Par son exemple, elle a contribué dans une grande mesure à la
purification et à la spiritualisation des doctrines orthodoxes. Voici le
témoignage d’un universitaire roumain, G. Bogdan-Duica: ‹Ils ont non seulement
combattu la foi de nos pères, mais aussi les formes inférieures de
superstitions religieuses. Si nous ne pouvons souscrire au premier de ces
objectifs, il nous est impossible de refuser d’approuver le deuxième.› Sans la
Réforme, il est probable que ni le Concile de Trente ni même la Renaissance
catholique qui s’en est ensuivie n’auraient eu lieu. De même, sans elle, il n’y
aurait pas eu de nation roumaine cultivée et délibérément attachée à
l’orthodoxie gréco-orientale.
»C’est ainsi qu’avec raison, l’un des
plus éminents représentants de la vie scientifique de la Roumanie au XIXe
siècle, Gheorghe Baritiu, en rééditant en 1879 à Sibiu, sous le titre de Catechismul
calvinesc et avec le soutien financier de l’Académie roumaine des sciences,
le catéchisme réformé en langue roumaine de 1656 et sa défense vis-à-vis des
attaques de l’évêque Varlaam, a pu écrire ce qui suit: ‹Il faut que les yeux
des Roumains s’ouvrent et qu’ils comprennent que leur langue peut être écrite
et cultivée, et que rien ne les oblige à recourir au slavon ni à demeurer sous
le joug barbare qu’ils ont eu à subir pendant tant de siècles dans une parfaite
obscurité.› L’un des historiens roumains, Ioan Lupa, universitaire de
Transylvanie, a réaffirmé la même chose de nos jours: ‹L’une des conséquences
de la Réforme a été d’une importance que nous ne devrions pas nier: le triomphe
de la langue nationale roumaine dans la liturgie. Il s’agit d’un des facteurs
les plus actifs intervenus lors des tentatives et des luttes ayant eu pour
résultat, pour tous les Roumains, la naissance du sentiment de la solidarité
nationale et celui de la conscience de leur mission historique.› Voilà le
service inestimable rendu aux Roumains de Transylvanie, une œuvre vitale
commencée par les Saxons de confession luthérienne et complétée par les
calvinistes hongrois.»
Il y a toujours, au sein de notre
peuple, une peur vis-à-vis de tout ce qui est étranger et de tout ce qui
est nouveau. L’argument le plus «puissant» des Roumains pour
justifier leur attachement à l’orthodoxie n’est pas sa vérité ou son
exactitude, mais son «ancienneté» et le fait qu’il s’agisse de «la foi des
ancêtres». Comment pourrions-nous nous débarrasser de ce qui est si ancien et
croire quelque chose de nouveau? Comment pourrions-nous admettre que nos
ancêtres aient pu se tromper et croire quelque chose de faux?
Ces arguments ont été opposés de la
même manière, du temps de Luther et de Calvin, par les catholiques romains au
visage des réformateurs. Calvin y a répondu et les a systématiquement démolis.
Il est important pour nous de connaître ces débats et de prendre en
considération les réponses de Calvin.
Calvin a rejeté, par principe,
l’autorité des ancêtres. Il n’ignorait pas la force de l’exemple des ancêtres
et la déplorait. «Comme il est facile de glisser dans l’imitation de tes
précurseurs!» s’est-il exclamé avec réprobation. «N’importe quelle chose qui
peut recourir au soutien de son ancienneté paraît légale et l’âge se recommande
toujours comme étant vénérable et même les exemples proches nous aveuglent à
tel point que tout ce qui a été fait par nos ancêtres est accepté comme une
vertu sans discrimination.» Il a attribué l’habitude de suivre les voies des
ancêtres à la religion politique de l’antiquité. Il a appris de Xénophon que
l’oracle d’Apollon avait «déclaré que la meilleure religion pour chaque ville
et chaque peuple était celle ayant été reçue de l’antiquité la plus lointaine».
Pour Calvin, c’était «une merveilleuse tromperie du diable, qui ne voulait pas
pousser l’esprit des gens à penser par eux-mêmes ce qui est bien, mais les
garder dans leur croyance léthargique et ancestrale qui dit que l’autorité des ancêtres
est suffisante». Il a insisté sur le fait que «lorsque les fils suivent
l’exemple de leurs pères, ils considèrent (à tort) qu’ils sont innocents».
La règle de Calvin était: «Si tu veux
justifier quelque chose, il est certain que tu ne l’appuieras pas sur son
antiquité.»
L’«antiquité» est inappropriée pour
fonder la vérité. Calvin ridiculise l’utilisation «du grand nombre d’années ou
de siècles depuis que dure une erreur» comme argument en sa faveur. Il continue
en montrant que les Pères de l’Eglise des premiers siècles ont parfois dévié
«de la pureté et de la précision de la Parole de Dieu par la faiblesse de leur
chair ou par méconnaissance, ils ont mêlé le foin avec l’or, la paille avec
l’argent, le bois avec les pierres précieuses» et se sont souvent «égarés de la
façon correcte de bâtir». Le respect pour l’ancienneté a aveuglé la postérité
et l’a empêchée de voir les erreurs, chose que la papauté a exploitée pour
établir sa tyrannie et c’est ainsi que les chrétiens furent «jetés dans un
labyrinthe sans issue». «Ni l’autorité des pères, ni la pratique de
l’antiquité» n’offrent de certitude.
Jean Calvin a eu le courage de se
séparer du catholicisme et de soumettre à une nouvelle analyse la totalité de
la foi chrétienne. Le fruit principal de cette analyse est le présent livre, Învatatura
religiei crestine.
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Et maintenant, au moment où nous nous
insérons dans le flot de la pensée européenne, aurons-nous le courage de ne
plus nous appuyer tout simplement sur l’autorité des ancêtres et d’analyser par
nous-mêmes ce que nous devons croire?
Aux éditions Cartea Crestina, nous ne
sommes pas de la Réforme magistérielle. Nous nous situons dans le prolongement
de la Réforme radicale, apparue à Zurich en 1525. C’est pourquoi nous n’aimons
pas être appelés «néoprotestants». Nous sommes apparus dans les premières
années de la Réforme, avant Jean Calvin. Celui-ci s’est attaqué très souvent
aux anabaptistes et, donc, à nous aussi. Il est bien vrai que nous ne sommes
pas d’accord avec bien des choses écrites par Calvin dans ce livre. Pourtant, nous
le publions en langue roumaine. Pourquoi? Voici les raisons pour lesquelles
nous l’offrons au lecteur roumain.
Premièrement, cet ouvrage contient
énormément d’enseignements bibliques de la plus grande importance pour notre
vie. Deuxièmement, il est, pour nous tous, un modèle d’étude systématique des
Saintes Ecritures. Troisièmement, il est un monument de la culture européenne
et nous serions appauvris si nous ignorions une telle richesse. Quatrièmement,
il a changé le cours de l’histoire et amélioré la façon d’être de nombreux
peuples et nations. Cinquièmement, il a profondément influencé notre culture et
notre histoire de Roumains.
Nous sommes sûrs que cet ouvrage a
encore un grand rôle à jouer dans la culture roumaine et qu’il influencera et
déterminera la vie spirituelle de nombreux Roumains. Tel est notre désir en
l’offrant à nos lecteurs.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
Ioan Chindris, Cultura si Societate în Contextul Scolii
Ardelene (Cluj-Napoca: Editura Cartimpex, 2001).
C. Daicoviciu, St. Pascu, etc., Istoria Transilvaniei, ed.
a III-a, vol. I (Bucuresti: Editura Academiei Române, 1963).
Anton Dragoescu, coordinateur, Istoria
României – Transilvania (Cluj-Napoca: Editata de Societatea
Cultural-stiintifica, 1997).
George Hancock-Stefan, The
Impact of the Reformation on the Romanian People from 1517 to 1645 (
Imre Revesz, La Réforme et les Roumains de Transylvanie
(Budapesta, 1937; traduction, non publiée, en langue roumaine de Petric
Paulian, Oradea, 2001).